Les taxations d’office sont-elles rares ?
Vous avez reçu une sommation car vous n’avez toujours pas déposé votre déclaration fiscale alors que le délai est largement dépassé ? Vous n’êtes pas seul ! Près de 16’000 contribuables genevois vont même jusqu’à se faire taxer d’office (environ 6% des contribuables)*. Mais est-ce la bonne option ?
*source : débat du Grand Conseil du 13.03.2020
Petit rappel sur les obligations du contribuable
Chaque contribuable a l’obligation de déposer une déclaration d’impôt même en l’absence de revenu et de fortune. En plus, il doit fournir les attestations et informations demandées par l’autorité fiscale. Cela s’appelle l’obligation de procédure*. Si vous ne faites pas le nécessaire dans les délais, une sommation vous est adressée. Et si celle-ci reste sans effet sur vous, l’autorité fiscale sort son joker : la taxation d’office !
* art. 124-126 LIFD
Dans quels cas l’autorité fiscale peut-elle taxer d’office ?
Il n’y a qu’une seule condition conduisant à une taxation d’office : il suffit que l’autorité fiscale ait une incertitude l’empêchant de taxer de manière complète et exacte. C’est le cas en l’absence d’une déclaration fiscale mais aussi lorsque les renseignements ou attestations nécessaires sont incomplets ou ambigus*. Cela peut d’ailleurs être totalement indépendant de votre volonté, par exemple si un tiers astreint ne fournit pas d’attestation. Rappelons que la taxation d’office n’est pas une sanction, elle permet juste de taxer en l’absence de certitude. Néanmoins, avant de prononcer une taxation d’office l’autorité fiscale doit adresser une sommation notifiée par lettre recommandée. Cette injonction liste les actes qui sont demandés, mentionne un délai « raisonnable » de 8 à 10 jours au minimum, ainsi que les conséquences en cas d’absence de pleine coopération.
* art. 130 LIFD
Comment l’autorité fiscale va-t-elle s’y prendre pour procéder à la taxation d’office en l’absence d’une déclaration fiscale ?
L’autorité fiscale va estimer, le plus précisément possible, la situation réelle du contribuable. Pour cela, elle se base sur l’expérience de vie et les coefficients expérimentaux. Il s’agit notamment de données statistiques qu’une Commission de la Conférence suisse des impôts (CSI) élabore sur la base d’enquêtes. Ces présomptions naturelles n’ont qu’une valeur subsidiaire et restent toujours primées par les éléments de fait.
* art. 130 LIFD
L’autorité fiscale peut-elle demander des renseignements à des tiers ?
Oui ! le fisc peut s’adresser aux différentes autorités administratives comme l’AVS, le Registre foncier, le Registre du commerce, le Contrôle des habitants etc. Les lois obligent ces différentes institutions à donner des informations aux autorités fiscales lorsque celles-ci sont nécessaires pour appliquer les lois fiscales*. Le fisc peut également se tourner vers tout tiers en rapport de droit avec le contribuable par exemple un associé, copropriétaire, propriétaire commun, créancier, débiteur, employeur, assureur, fiduciaire, gérant de fortune** (sous réserve du secret professionnel légalement protégé). A noter que l’autorité fiscale ne peut pas contacter directement la banque en raison du secret bancaire qui, bien qu’amoindri depuis plus de 10 ans, demeure en vigueur en Suisse. En effet, il n’y pas d’échange automatique d’informations avec l’administration fiscale suisse pour les résidents suisses.
* art. 112 LIFD, art. 50a al 1 LAVS (en dérogation à l’art. 33LPGA)
** art. 127 al 2 LIFD
Quelles sont les obligations de l’autorité fiscale dans le cadre de la taxation d’office ?
Il n’est pas question que l’autorité fiscale soit fantaisiste. Elle doit faire une appréciation consciencieuse de la situation. Les hypothèses utilisées doivent être vraisemblables et défendables. Enfin, elle doit tenir compte de tous les éléments disponibles au moment de prendre la décision. En même temps, l’autorité fiscale n’a pas à s’acquitter des obligations de procédure omises en lieu et place du contribuable. Toutefois, elle peut demander directement aux tiers des renseignements ou les attestations remises normalement au contribuable* . En principe, elle devrait plutôt le faire lorsqu’aucune déclaration fiscale n’a été déposée depuis plusieurs années de suite.
* art. 127-128 LIFD, ch. 4 de la circulaire AFC no 9 du 07.03.1995
Quelles sont les conséquences financières ?
Il vous sera facturé non seulement un émolument pour la couverture des frais de la taxation d’office, soit environ CHF 50.-, mais également une amende qui peut aller jusqu’à CHF 1’000.- voire CHF 10’000.- pour les cas grave ou de récidive. Ceci vaut aussi bien pour l’impôt cantonal que pour l’impôt fédéral, ce qui veut dire que l’amende pourrait se monter jusqu’à CHF 20’000.- ! Notons que cette amende revêt un caractère pénal. Par conséquent, le principe consistant à ne pas devoir s’incriminer soi-même s’applique. Enfin l’amende ne peut être appliquée que si une sommation a été envoyée par lettre recommandée.**
* art. 174 LIFD,
** ch. 1.3 Circulaire AFC no 21 du 07.04.1995 sur le droit de rappel d’impôt et le droit pénal fiscal …
Gravité ou simple négligence ?
La gravité dépend de l’importance de l’impôt éludé, de la collaboration du contribuable, des circonstances, de la situation personnelle et, notamment, des connaissances du contribuable*. Mais le plus souvent, il est question de négligence. La méconnaissance des obligations, le manque de temps ou l’incapacité à entreprendre les démarches nécessaires peuvent rapidement aboutir à une taxation d’office.
Enfin, il arrive aussi d’être empêché sans faute, par exemple pour motif sérieux de maladie-accident, astreinte au service militaire, etc. Il est alors possible de demander la restitution de délai. Le cas échéant, un nouveau délai de 30 jours sera alloué pour s’acquitter des obligations**.
* art 47 CP
** art. 124 al. 4 LIFD
Est-il possible de faire une réclamation contre une taxation d’office ?
Le droit de réclamation est restreint et ne peut être exercé que pour le motif d’une taxation manifestement inexacte*. Le cas échéant, la réclamation doit être motivée avec les moyens de preuve à l’appui. Par conséquent, le risque d’une taxation d’office est de devoir finalement payer plus d’impôt que ce que vous devriez. En effet, vous ne pourrez pas argumenter, par exemple, que vos frais d’acquisition du revenu ont été plus élevés que ce qui a été pris en compte par la taxation d’office.
* art. 132 al. 3 LIFD
Puis-je récupérer l’impôt anticipé (IA) en cas de taxation d’office ?
En principe, il ne sera pas possible de récupérer l’impôt anticipé (IA). Pour mémoire, l’IA n’est récupérable que si le revenu dont il a été retenu a bien été déclaré. Toutefois, il est encore possible de récupérer l’IA sur certains revenus en respectant les conditions cumulatives suivantes * :
- La réclamation est déposée contre la taxation d’office avant son entrée en force.
- Une déclaration complète et correcte de la fortune ainsi que de ses rendements est remise; notons que les revenus mentionnés par l’autorité fiscale dans le cadre de la taxation d’office ne peuvent plus faire partie des éléments déclarés ultérieurement par le contribuable. L’IA retenu sur ces revenus ne pourra donc pas être récupéré.
- Acceptation par l’autorité fiscale d’entrer en matière sur la réclamation.
- L’omission de la déclaration n’a été commise que par négligence.
* art. 23 LIA, chiffre 4 circulaire AFC 48 concernant la déchéance du droit au remboursement de l’impôt anticipé
Subventions LAMal
Enfin, dans certains cantons, une taxation d’office ne vous permettra pas de toucher les subventions pour vos assurances maladie même si votre situation le permet. Cette restriction a néanmoins été abolie dans le Canton de Genève en mars 2020.
Suis-je en règle si je paie le montant ressortant de la taxation d’office ?
Pas forcément ! La taxation d’office ne doit pas avantager le contribuable qui ne satisfait pas à ses obligations. Par conséquent, si la taxation d’office aboutit à une imposition inférieure à l’impôt normalement dû sur votre fortune et vos revenus réels, vous vous retrouvez dans une situation de soustraction d’impôt. Dans un tel cas, si l’autorité fiscale vient à constater une soustraction d’impôt, elle peut procéder à un rappel d’impôt sur les 10 dernières années. Il faudra alors payer, en plus du rappel d’impôt, des intérêts moratoires ainsi qu’une amende pouvant varier d’un tiers à trois fois le montant de l’impôt dû selon la gravité de la faute.
* art. 152 et 175 LIFD
Conclusion
Pour répondre à la question initiale, une taxation d’office est à éviter dans la mesure du possible car elle est clairement défavorable. Si vous êtes en difficulté devant les démarches administratives, nous vous encourageons vivement à demander de l’aide. Il y a toujours une solution et bien souvent elle est plus simple qu’il n’y paraît, le plus difficile étant généralement de faire le premier pas. Dans tous les cas, une fiduciaire vous coûtera toujours moins cher qu’une amende sans parler des autres inconvénients. Aussi, n’hésitez pas à nous contacter pour un renseignement ou un conseil, sans engagement de votre part. Sur Genève vous pouvez également vous adresser à L’Hospice général qui vous aidera à faire votre déclaration. Dans le Canton de Vaud vous pouvez notamment vous adresser à l’Avivo.